2014/09/13

Fred Kupferman : Pierre Laval (biographie)

« Je souhaite la victoire allemande, parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s'installerait partout en Europe » (Pierre Laval, extrait d'un discours radiodiffusé le 22 juin 1942)

Editions Masson
(1976) 
Très intéressante biographie de Fred Kupferman consacrée au personnage sans doute le plus impopulaire de toute l'histoire de France, j'ai nommé Pierre Jean Marie Laval, une parfaite ordure, de l'avis général ! Jugement sans appel, lapidaire et superficiel, à l'exacte image de son procès (6 jours), puis de sa condamnation à mort pour faits de trahison et de collaboration.
Et donc, le but de ce livre n'est bien évidemment pas de réhabiliter Laval, mais seulement d'aider à mieux cerner cet homme mal connu des français et cependant haï comme personne, parce que réduit au rôle du vilain-méchant-pas-beau sur lequel, c'est pratique, nous pouvons focaliser tout à la fois nos colères et nos hontes...

En deux-cent pages à l'écriture dense et ciselée, Kupferman retrace patiemment le parcours atypique de ce fils d'aubergiste qui, à l'âge de 20 ans, adhérait au noyau dur de la gauche révolutionnaire ; à 30 ans, défendait au barreau les anarcho-syndicalistes de la CGT (raison pour laquelle son nom figurait, parmi seulement deux-mille autres, sur le Carnet B du ministère de l'intérieur) ; à 40, participait à la victoire du Cartel des Gauches mais, à 45, était élu sénateur de Droite ; à 50, frayait avec Franco et, à 60, léchait les bottes d'Hitler. Une carrière d'ambitieux, plutôt rancunier et parfois violent, s'éloignant de la Gauche à mesure que prospérait sa fortune et croyant, jusqu'au bout, avoir agi pour le bien commun. Au final, se dessine le portrait d'un homme à sale gueule, c'est sûr, mais qui n'était pas tout à fait le diable, surtout comparé aux véritables fascistes qu'étaient Déat-Doriot-Darnand... Le portrait d'un homme se révélant finalement un chouïa moins antipathique que Pétain, quand bien même ce dernier a non seulement sauvé sa peau à la Libération, mais a toujours eu, et aujourd'hui encore, d'ardents et brillants avocats pour défendre sa cause ou sa mémoire... d'un homme, Laval, qui, comme des millions d'autres avec lui, préféra la nazification à la bolchévisation de la société française ou, comme l'on disait à l'époque, sans en mesurer encore les conséquences : Hitler plutôt que Léon Blum (point Godwin oblige, nous ne rapprocherons pas ici les choix de 1940 avec ceux d'un récent sondage d'opinion plaçant le FN au coude-à-coude avec tous les autres Partis, mais nous relevons simplement qu'il se trouve aujourd'hui une majorité de français à préférer, oui, à pré-fé-rer voir une Marine-le-Pen aux commandes plutôt qu'un François Hollande)... d'un homme, enfin, dont le cheminement politique pourrait peut-être se résumer ainsi :

J'ai connu des gens qui sont venus au Parti Communiste le cœur plein de haine pour la vie et pour leurs semblables, la haine était le seul sentiment qui les avait conduits jusqu'à nous. J'en ai connu plusieurs, aucun n'est resté longtemps au Parti. Il n'y a que la haine de classe qui est légitime, la haine contre l'exploiteur, mais cette même haine implique l'amour pour les exploités, vous comprenez? (Jorge Amado, in Les souterrains de la liberté)

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