2013/07/21

Jorge Amado : Navigation de Cabotage (2/2)

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Rien de plus fatiguant, de plus harassant, de plus terrible que les réunions dites mondaines -- cocktails, réceptions, dîners, fêtes et autres corvées du même genre.
L'obligation d'être intelligent, les invités qui attendent les phrases spirituelles, les reparties brillantes, profondes de l'écrivain : c'est effroyable. Je suis épouvanté si je n'ai pas le moyen d'y échapper, comment être intelligent à la fin de l'après-midi ou à un dîner prié, engoncé dans une veste et une cravate ? Je me sens devenir complètement idiot, inhibé, je reste muet, je perds le don de la parole, encore plus sot que d'habitude.

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Paris,1948 - cadeau d'anniversaire

João Jorge va avoir un an, notre pauvreté interdit fêtes et cadeaux, Zélia réunit néanmoins nos amis dans la chambre de l'hôtel Saint-Michel autour d'un punch au champagne et fraises des bois [...] Madame Salvage, la patronne de l'hôtel, apparaît chargée de bouteilles de cognac, Carlos Scliar apporte une boîte de pâte de goyave brésilienne.
J'écris un petit roman, Le Chat et l'Hirondelle, une histoire d'amour, l'amour impossible d'un félin et d'un oiseau, mon cadeau pour João afin de lui apprendre à avoir horreur des préjugés. Le conte se termine mal, par la victoire du préjugé : l'hirondelle se marie avec un rossignol, le chat part pour une solitude pire que la mort. Si je l'écrivais aujourd'hui, l'histoire se terminerait par la victoire de l'amour et la défaite du maléfice : j'étais jeune, je ne croyais pas encore à l'impossible.

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Je n'envie personne. La richesse, le talent, le succès, la gloire de mon prochain et du moins proche ne m'affligent pas, je suis capable d'admiration, capable d'applaudir, de crier vivat, de porter en triomphe, et j'aime le faire. [...] Insensible à l'envie, je suis libre pour l'admiration et l'amitié, quelle merveille ! Rien de plus triste que quelqu'un qui souffre du succès des autres, qui est esclave de la négation et de l'amertume, qui bave d'envie, qui patauge dans le dépit, le malheureux.

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Paris,1991 - la question

Mon petit-fils, Jorginho, huit ans incomplets, demande à sa grand-mère Zélia, soixante-quinze ans accomplis :
  - Mam', tu fais encore nini-nana avec grand-père ?

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Rio de Janeiro, 1963 - mélancolie

Ce que nous donne l'Académie, je parle de l'Académie Brésilienne des lettres, ce n'est ni l'immortalité (sic !), ni la gloire (pfff !), ni même la respectabilité. Elle nous donne seulement et c'est beaucoup, ça compense la fatuité, l'éphémère, les sottises, elle nous donne la convivialité, l'amitié. En entrant à l'Académie -- par une porte dérobée, celle de l'erreur, je pense -- j'ai gagné de nouveaux et de bons amis [...]

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Où que j'arrive, dans toutes les contrées du monde, les provinces et les métropoles, les petits villages, je trouve la table mise et j'entends une parole amie.
Quelqu'un me dit : "J'ai lu ton livre, camarade, j'ai ri et j'ai pleuré, j'ai été ému. Tereza Batista a changé ma vie, Pedro Archanjo m'a enseigné la pensée libre, enseigné à penser par ma propre tête, j'ai appris avec Quiquin à ne pas être un autre que moi-même, avec le commandant Vasco Moscoso de Aragon j'ai échangé la médiocrité pour le rêve, j'ai appris l'amour avec Gabriela et Dona Flor m'en a donné la mesure exacte : plus puissant que la mort. Tu es écrivain parce que j'existe, moi ton lecteur, j'ai pleuré et j'ai ri, j'ai été ému en lisant ton livre".
Où que j'arrive j'ai la table mise et quelqu'un me dit une parole amie. C'est ma récompense, ma raison d'être et mon engagement.

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Aucun de mes détracteurs, tous ceux qui ne perdent pas une occasion de dire du mal de moi, beaux esprits dont la mission critique est de nier toute valeur à mes livres, aucun d'eux ne connaît aussi bien mes limites d'écrivain que moi-même, j'en ai pleine conscience, je ne me laisse pas abuser par les guirlandes et les confettis. [...]

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Paris, 1989 - vocation

[...à propos de Mitterrand et de Mario Soares...] C'est une chose d'être président de la France, une autre, plus difficile, de l'être du Portugal -- ou est-ce le contraire? Difficile d'être président où que ce soit et de quoi que ce soit, comme l'a dit João Nascimento Filho en refusant la présidence de la fanfare d'Estância, au Sergipe [...]

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Vienne, 1952 - les mauvais élèves

[...] Dans la clandestinité du Parti communiste brésilien, vers 1953, nous fûmes camarades au cours Staline. Les yeux bandés, après un parcours de plusieurs heures on arrivait au local du cours clandestin, quelque part dans la zone rurale, les leçons données par les dirigeants duraient un mois. Mais nous étions déjà, René [Depestre] et moi, pris de doutes et certaines assertions des professeurs nous donnaient le frisson. Nous et Alina Paim, élève elle aussi, également envahie par l'inquiétude.
Je me rappelle comme si c'était hier une classe sur la révolution chinoise, la mention faite par le conférencier d'un document du PC de Mao recommandant que les enfants dénoncent leurs parents -- obligation du militant : vaincre les sentiments bourgeois de la famille, accomplir son devoir révolutionnaire. Il ne s'agissait pas d'une invention maoïste, d'une nouveauté. En URSS on avais mis sur un piédestal un enfant qui avait agit ainsi -- il avait espionné ses parents et les avait dénoncés, les avait envoyés au bagne, un héros staliniste. Le professeur s'emporte contre la morale bourgeoise.
Assis à côté de moi au premier rang, René me fait discrètement du coude, de l'autre côté de la salle le regard malheureux d'Alina Pail. Des leçons que nous ne parvenons pas à apprendre, des valeurs que nous ne parvenons pas à accepter, communistes inconséquents que nous sommes, incapables de vaincre les préjugés, de renoncer au sentiment vulgaire d'amour de ses parents.
  - Dénoncer ses parents... Je préférerais me tuer, considère Aline à l'heure de la récréation.
  - Quelle connerie ! crache René, il écrase le crachat avec le pied.
  - Une dose pour éléphant, dis-je.
Atterrés, trois mauvais élèves de marxisme-léninisme au cours Staline.

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Bahia, 1929 -- le carotteur

[...] Les misérables sous que nous gagnions dans des besognes journalistiques ne permettaient à aucun de nous d'être prodigue, moins encore à Edison. Lecteur incurable, le moindre salaire qu'il touchait allait directement aux bouquinistes de la place de la Cathédrale ou a Don Paco, de la librairie espagnole [...] Pour passer le reste du mois Edison tapait l'un ou l'autre, parents et amis, la victime principale était João Cordeiro. Tous les quinze jours Edison soutirait à son camarade un billet de 5000 réis sous le prétexte d'aller au bordel se refaire une santé : je suis en manque et je suis fauché, maître Cordeiro.
  - Je donne 5000 réis à Edison pour aller aux putes, je me doute qu'il me carotte, pour en avoir le cœur net je le suis en douce : il va droit à la librairie de Don Paco s'envoyer un livre.
Soucieux du bien-être de son ami, Cordeiro finit par l'accompagner au "château", en payant lui-même la passe, il constata que le noir Edison préférait les blondes.

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Un conte se conte, il ne s'explique pas et quant au personnage, ce doit être une personne en chair et en os, avec du sang dans les veines et une cervelle dans la tête, pas un pantin entre les mains du romancier. Je sens que le personnage tient debout quand il se refuse à faire ce qui ne cadre pas avec sa personnalité, ça arrive plus souvent qu'on ne croit, je pourrais remplir un recueil si je racontais les exemples que j'en ai eus au cours de mon travail. [...]
Zélia me reproche de ne pas avoir, dans le roman de Gabriela, marié Gerusa et Mundinho Falcão, je lui dis que je ne suis ni curé ni juge, je ne fais pas de mariages, c'est la vie qui les fait, par amour ou par intérêt. Les romans ont un temps et un espace, le temps du roman de Gabriela était arrivé à sa fin, l'espace se fermait, si Gerusa et Mundinho se sont ensuite mariés, je n'en sais rien, je ne sais de l'histoire que ce qui est dans le livre. [...] Les personnages nous enseignent à ne pas violer la réalité, à ne pas tenter de nous imposer, nous ne sommes pas des dieux, seulement des romanciers.

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Bahia, 1989 - l'héritage

A la demande de Sergio Machado je téléphone à Paulo Niemeyer à Rio de Janeiro, Alfredo vient de terminer les examens médicaux qu'il devait subir, je demande le diagnostic, je reçois la confirmation terrible : tumeur au cerveau. Un cas difficile, j'écoute et j'oublie les noms des sarcomes, un cas perdu. Paulo Niemeyer ne pense pas que l'opération soit envisageable, il n'opérera pas, mais si Alfredo et sa famille veulent une clinique nord-américaine...
Qui ne veut tout tenter, le possible et l'impossible, de la chimiothérapie aux ebós du candomblé, la chirurgie s'il le faut, dans la lutte contre la mort ? Alfredo va aux Etats-Unis appuyé au bras de Gloria, les docteurs yankees confirment la décision du savant brésilien : inutile d'opérer, ils vont essayer un traitement nouveau, qui sait, peut-être... Commence une période de voyages successifs entre Rio et New York, Alfredo ne perd pas courage, lutteur incorrigible. Zélia et moi téléphonons tous les jours, il répond lui-même, il parle de sa lutte contre le mal, raconte la dernière anecdote, la menace et l'espérance -- l'espérance, hélas, diminue chaque jour.
Pendant plus d'un an la mort d'Alfredo nous accompagne, je ne parviens pas à écrire, je perds le goût de la conversation et du rire. Je quitte le Brésil pour ne pas devoir aller à Rio le voir. Je me réfugie dans le bruit, la course d'un côté à l'autre, de ville en ville, de pays en pays, congrès, séminaires, symposiums, je m'étourdis.
La mort d'Alfredo est lente, elle se répercute dans le monde entier. Des amis téléphonent de toutes parts pour avoir des nouvelles [...] Je les entends au téléphone, la voix anxieuse, espérant un miracle. Mais c'est surtout Alfredo lui-même que j'ai au téléphone. A mesure que les jours passent la conversation se fait plus difficile, coupée de silences, je reçois à distance la fatigue et l'abattement.
J'avais fait part à Alfredo de l'idée d'un roman racontant les tribulations d'un jeune Brésilien au temps de la dictature militaire [...] Je ne savais rien de l'action, je ne le sais que lorsque je me mets à écrire et que les personnages commencent à vivre. Mais j'ai le titre, le nom du héros, cause d'équivoques : il s'appelle Boris le Rouge.
Alfredo, éditeur par excellence, ne me lâchait plus, il voulait le livre à tout prix. Pendant les 14 mois de sa marche impitoyable il me réclama le roman pour lequel, à partir d'un certain moment, j'avais perdu tout intérêt. Un jour Sergio téléphone : la fin approche. Zélia appelle Alfredo, lui dit que je travaille au roman de Boris, je ne tarderai pas à lui envoyer le manuscrit. Elle contient ses larmes, invente : le mensonge lui vient naturellement, elle qui ne sait pas mentir. Alfredo a encore la force de demander des détails.
Quelques jours plus tard, attendue, incroyable, la nouvelle de son décès. Alfredo me laisse en héritage l'idée du roman, la promesse de mettre sur le papier les tribulations du jeune Brésilien. Je vais à la machine à écrire, l'ombre d'Alfredo m'accompagne, me surveille. Quatre fois j'ai commencé, quatre fois j'ai renoncé, mais un jour je vais terminer l'histoire de Boris le Rouge, plus d'Alfredo Machado que mienne.

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Frontière Portugal & Espagne, 1976 - différences

Nous allons vers l'Espagne sous le soleil d'été, toute la famille. Nous commentons les différences de caractère et de mœurs entre les deux peuples de la péninsule, la mélancolie portugaise, le dramatisme espagnol.
Nous lisons sur les murs des slogans encore nombreux, restes de tous ceux dont la liberté a couvert les murs des villes et des campagnes après la Révolution des Oeillets. Le soleil brillera pour tous, avait écrit l'anarchiste ; quelqu'un, sceptique, a griffonné en dessous : Et les jours de pluie ? Nous rions, la polémique est courtoise : adorables gens, les gens lusitaniens.
Nous passons la frontière et aussitôt, dans un village, la déclaration occupe tout le mur d'un terrain planté de légumes : Je te hais, je te hais et je te hais ! A qui peut être dédiée une telle haine, répétée trois fois avec un point d'exclamation ? Nous sommes en Espagne, la violence et la vengeance remplacent la courtoisie : dans les slogans les différences de caractères et de mœurs.

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Bahia, 1985 - Julio

Thomas Borge m'écrit de Managua, il me demande un texte sur Julio Cortázar pour un livre consacré à l'écrivain argentin, Nosotros te queremos, Julio. Il me presse. Je me mets avec plaisir à ma machine, j'ai pour celui sur qui j'écris une admiration de confrère, une estime de compagnon. [...]
Parlant de Julio, Zélia avait l'habitude de dire que dans l'univers de la littérature il n'existait pas de figure plus belle et plus attachante, Julio souffrait d'une maladie étrange, il ne vieillissait pas petit à petit comme tout le monde, à soixante ans il semblait en avoir à peine trente. Auteur d'une oeuvre littéraire qui atteignit les lecteurs du monde entier, citoyen militant et solidaire, la lutte fut son pain quotidien. Je parlai de littérature et de lutte dans le texte que j'écrivis et que j'envoyai à Borge. [...]
Dans la revue j'admire la belle présentation du texte : une photo sur une page entière du plus bel écrivain du monde, opinion d'Anny-Claude, Misette n'est pas d'accord, pour elle le plus beau est Jorge Semprun. Pour Zélia aucun ne peut se comparer à Paul Eluard, lui était vraiment beau, chacun son goût, quant à moi je suis dans le peloton des plus laids et des moins élégants, je cumule. Je relis ce que j'ai écrit, je pense avoir rendu justice à l'écrivain et au combattant, je sais que Julio est hospitalisé, je mets la revue dans une enveloppe, j'expédie l'enveloppe à Paris. Sans tarder je reçois une lettre de Julio, il a aimé le texte, il me remercie.
Quatre jours après la joie de la lettre, je lis dans les journaux l'annonce de la mort de Julio. Nosotros te queremos, Julio, le livre organisé par les sandinistes pour rendre hommage à l'écrivain argentin fut publié quelques mois plus tard : couronne des fleurs du regret et de l'amour à la mémoire du plus beau et du plus attachant, du plus solidaire écrivain de notre continent latino-américain, le soleil s'éteint sur le Rio Vermelho.

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[...] Si je dévore des livres jusqu'à aujourd'hui je le dois à Dumas père, le mulâtre Alexandre, c'est lui qui m'a donné le goût de lire, le vice : à onze ans j'ai trouvé, abandonné sur le bateau d'Itaparica, un exemplaire des Trois Mousquetaires, j'ai contracté pour toujours le virus de la lecture.
Je dois à Rabelais et à Cervantès, je suis né d'eux. Je dois à Dickens : il m'a enseigné qu'aucun être humain n'est totalement mauvais, à Gorki, il m'a donné l'amour des vagabonds, des vaincus de la vie, des invincibles. Je dois à Zola, avec lui je suis descendu au fond du puits pour racheter le misérable, à Mark Twain je dois la liberté du rire, arme de combat, à Gogol, le nez, les bottes et la capote.
Je dois à Alencar le romantisme et la forêt, à Manuel Antônio de Almeida la grâce du picaresque, du burlesque, sur la place populaire j'ai clamé avec Castro Alves, j'ai dénoncé l'infamie, avec Gregório de Matos j'ai appris la générosité de l'insulte, j'ai été bouche de l'enfer, j'ai craché du feu, par sa main j'ai découvert les rues de Bahia, le parvis de l'église, la venelle des putes.
Je dois au chroniqueur anonyme du Marché, au conteur d'histoires de la foire d'Agua dos Menimos, au trouvère je dois l'élan, l'invention au maître batelier : il a aimé Yemanjá aux abords de l'île d'Itaparica, a dormi avec Oshoum sur le lit d'eaux douces du rio Paraguassu, a possédé Euâ dans la cascade de Maragogipe, l'a couchée dans la source parmi les escargots et les pétales de rose. Il est nécessaire de savoir et d'inventer.
Je dois au poète de cordel, je dois.

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Je veux consigner ici, pour y souscrire, une phrase de Romain Rolland, l'humaniste de Jean-Christophe, datée de 1927 : Je ne reconnais à aucune minorité, à aucun homme, le droit de contraindre un peuple, fût-ce à ce que l'on croit son bien, par des moyens atroces. C'est ainsi. [la citation est extraite d'une lettre de R.R. à Elie Reynier, in Voyage à Moscou, présenté par Bernard Duchatelet]

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Encore à demi-endormi, à la veille de mes quatre-vingts ans, je touche ton corps, je sens ta chaleur, ta respiration. Le jour se lève, la lumière du jour nouveau pointe, ténue, dans la barre du matin, je pense aux privilèges que je détiens, aux prérogatives. Tes yeux, ton sourire, les seins, le ventre, la croupe, le coeur, l'intégrité, la droiture, la bonté, le dévouement. La vie naît de toi à l'aube.

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Je prends la main de mon amoureuse, complice d'aventure depuis presque un demi-siècle, copilote dans la navigation de cabotage : nous allons partir en vacances, femme, nous l'avons bien mérité après tant de jours et de nuits dans le travail et l'invention, nos premières vacances en tant d'années. Nous allons nous promener, sans obligations, sans engagements, nous allons vagabonder sans heure, sans itinéraire, anonymes voyageurs, nous inviterons Misette à venir avec nous, c'est une bonne compagnie pour la détente et le rire, nous ferons les touristes au scandale des lettrés [...]
C'est en juillet 1945 que notre union s'est faite, je me rappelle chaque geste, j'entends chaque parole, les soupirs, les cris d'amour. Nous venions d'une fête politique, nous étions des citoyens accomplissant notre devoir de citoyens, des combattants, c'est arrivé dans l'aurore de la liberté, tu as embarqué dans la barre du matin, sur le quai de l'avenue São João, tu as assumé le lit, le cœur de l'étourdi, depuis lors tu commandes la navigation de cabotage, la main sur le gouvernail, sur les lèvres la chanson d'Euá : je te donnerai un peigne pour peigner tes cheveux [...]
Donne-moi ta main de connivence, nous allons vivre le temps qui nous reste, si courte la vie ! dans la mesure de nos désirs, au rythme de notre goût simple, loin des galas, dans la liberté et la joie, nous ne sommes pas des paons d'opulence ni des génies d'occasion faits à coups d'apologies, nous sommes seulement toi et moi. Je m'assieds avec toi sur le banc d'azulejos à l'ombre du manguier, attendant que la nuit vienne couvrir d'étoiles tes cheveux, Zélia de Euá baignée de lune : donne-moi ta main, souris ton sourire, je jubile dans ton baiser, laurier et récompense. Ici, dans ce coin du jardin, je veux reposer en paix quand viendra l'heure, c'est mon testament.

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Et le copiste reprend ici la main pour ne rien dire ou presque, rien qu'un seul mot: merci. Oui, remerciement à Jorge Amado et à Zélia Gattai, son inséparable et sa consubstantielle, pour l'hospitalité qu'ils m'ont accordée tout au long de ces 850 pages.

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